Pages

mardi 28 novembre 2017

Ce que je sais faire de mieux

"I was a king. Now I am nothing left. Guess what happen to me." 


Des fois, il m'arrive de regarder en arrière. Je crois que je ne devrais pas. Quand je regarde en arrière, je compare et quand je compare, ce n'est pas bien beau à voir. 

Il y a cinq ans, je n'écoutais personne. J'agissait comme je le voulais. J'envoyais se faire foutre les gens qui me disaient que c'était impossible et je leur montrer que ça l'était. Je ne croyais qu'en moi-même, je suis mes envies, mes intuitions, j'étais maitre des choses. Il y a 5 ans, je me suis perdu. J'ai oublié que j'étais, j'ai oublié comment je fonctionnais. J'ai cru qu'il était bon d'écouter les autres et d'être sage et raisonnable, et j'ai sombré. Je n'avais pas tout perdu. J'avais gardé cette petite pointe d'insolence pour ne pas oublier qui j'étais, mais à trop vouloir faire ce qu'on attendait de moi, j'ai fini en miettes. Alors heureusement, il y a quatre ans, je me suis reconstruis. Il y a quatre ans, j'ai à nouveau appris à dire merde. J'ai suivi mes envies, mes rêves, mes convictions et quand on me disait que j'étais fou j'ai répondu "oui, je suis vivant". J'ai redécouvert la vie. Et puis, il y a trois ans, j'avais un copain, j'avais des passions, j'avais un semblant de vie sociale, et j'arrivais quand même à faire ce que l'on attendait de moi. J'avais trouvé un semblant d'équilibre, tous les domaines s'entremêlaient et ça s'agençaient plutôt bien Je ne réussissais pas à faire aussi bien partout que par le passé, mais je réussissais à tout faire. Il y a un an, je faisais les championnats d'Europe, j'avais un copain, j'avais un projet, j'avais des rêves, j'avais des envies. 

Aujourd'hui je ne fais plus de sport, je suis seul, et rien ne me donne envie d'avancer. Aujourd'hui j'en viens à regretter la quasi-totalité des choix que je fais au quotidien et que j'ai pu faire par le passé. Aujourd'hui je n'ai plus le courage de passer deux heures par jour à me battre pour mes passions, à suer pour mes rêves, et à souffrir pour être le meilleur. Aujourd'hui, je suis tellement conditionné, que même quand j'arrive à utiliser la petite étincelle au fond de moi pour prendre ces deux heures là, tout ce à quoi je pense, c'est que je perds du temps. Aujourd'hui, je n'ai plus rien qui me motive, je n'ai plus de passion, plus de rêve, plus d'ambition. Aujourd'hui, ma vie et d'une monotonie incroyable. Les jours se ressemblent tous, s'enchaînent, sans surprise, sans rebondissement, sans rien d'exceptionnel à vivre. Alors je cherche cette petite dose de fantaisie, d'extra, quelque chose qui me fassent ressentir quelque chose à nouveau. Alors je sors, je bois. Et pendant le temps d'une nuit, je j'oublie tout ça, et j'ai l'impression d'être heureux. Ma pause du samedi soir devenu mon objectif de la semaine à atteindre, c'est tout ce que j'attends. Pouvoir ressortir pour oublier à nouveau. 

Je sais que j'ai besoin de quelque chose pour avancer, j'ai besoin d'avoir quelque chose en tête, quelque chose qui me donne envie de me lever le matin, j'ai toujours fonctionné comme ça. Et le problème, c'est que j'ai moi-même détruit tout ce qui pouvait faire l'affaire. Alors, je cherche désespérément. Je cherche désespérément ce petit moment qui me feras ressentir quelque chose. Et Il se trouve que j'ai découvert il y a quelques années que de bons moments passés sous la couette,
accompagné, pouvaient avoir un très bon effet sur le moral. Un peu comme un Doliprane lorsqu'on a mal à la tête.

Aujourd'hui tout ce que je suis bon à faire pour oublier que je m'ennuie dans ma vie, c'est coucher avec n'importe qui, n'importe comment, n'importe quand. Je m'intègre de plus en plus dans un monde que je déteste. Un monde où les personnes sont traitées comme des objets, ou tout fonctionne sur le mode de l'offre la demande, où le côté humain n'existe plus. Je passe mon temps, mes soirées, mes nuits à rencontrer des dizaines de personnes qui ne passeront pas plus d'une heure avec moi. Je deviens un connard, je me met en danger, je creuse moi-même ma tombe. Mais actuellement, «c'est ce que je fais de mieux». Comment peut-on passer de celui qui réussit presque tout à la salope de service qui ne passe pas un jour sans baiser ? Je crois en effet qu'il y a un long chemin à faire, mais en cinq ans, on peut en faire du chemin. Je pense que je suis maintenant tellement abîmé que plus rien n'a d'importance pour moi. Je crois que je suis tellement à bout de souffle, que quand je vois l'opportunité de 15 petites minutes pendant lesquelles je vais oublier, je les prends. Quelle qu'elles soient. Même si derrière, s'en suivent des heures, voire des nuits, à réfléchir, à pleurer, à se sentir sale, seul et à se dire que oui, aujourd'hui, baiser avec n'importe qui, c'est comme ça comme que l'on me voit, c'est tout ce qu'il me reste, c'est tout ce que je suis et c'est ce que je sais faire de mieux. 




          "Le moyen le plus efficace d'extraire des gens le meilleur d'eux-mêmes à moindre frais, c'est de les dresser les uns contre les autres.
           L'ECN est une violence.
          C'est un PDF qui tombe, négligemment lâchés sur Internet par un organisme qui s'est toujours plus intéressé à valoriser la médecine française qu'à améliorer la formation des étudiants. Il n'y a pas de consultation d'annonce. Il n'y a pas d'empathie, pas d'information claire loyale appropriée, pas de projets personnalisé de soins. Il y a ton nom, ta date de naissance, et un chiffre. Et c'est tout. Un chiffre qui te collera à la peau, un chiffre froid et brut qui te dit si tes projets prendront vie, ou si ils sont morts par ta main au cours de ces trois jours d'examen. Et c'est seul que l'on doit se reconstruire, une fois la tempête passée.
          Nous sommes 8120. Nous avons passé l'année de 18 ans au chevet de nos livres, l'année de nos 20 ans au chevet de nos livre, nombre d'entre nous ont passé l'année de leur 25 ans je vais de leurs livres. Nous avons été sage. Malgré tout ce que les médias aiment à déblatérer sur l'étudiant médecine, nous avons été indéfectiblement sages. nous avons rempli des kilomètres de paperasse sans être payé pour le faire. Nous avons fait nos gardes, nous sommes aller en stage lendemain. nous sommes sortis de conférences à 23 heures. Nous sommes resté debout pendant des heures à suivre des visites professorales en pensant à la BU qui se remplissait.
          Nous avons vu aux amis devenir internes. Nous les avons entendu raconter leurs 70 heures de travail hebdomadaire, nous avons trouvé ça formidable de travailler si peu. Nous les avons entendu raconter leur sortie de stage à 20h30, nous avons trouvé ça formidable de pouvoir disposer de sa soirée. Nous les avons entendu raconter qu'ils avaient astreinte une semaine sur deux et nous avons trouvé ça formidable de pouvoir avoir des week-ends de libres.
          Quand est tombé ce chiffre, j'ai fondu en larmes. Il y avait la peur bien sûr, l'angoisse de voir la spécialité que je veux me passer sous le nez. Mais il y avait quelque chose d'autre, quelque chose de lourd et d'amer. De la honte.
          Nous sommes le 8120. Nous avons passé un premier concours, nous sommes tous arrivés dans les 15% des meilleurs, nous avons tous continué à travailler, jusqu'au bout. Nous sommes des brutes de travail, et pourtant, quand tombent les résultats nous avons honte…
          Car pour que le système continue à s'auto-entretenir, il faut que ceux qui ne sont pas bien se classés continuent à croire qu'ils sont mauvais. Il faut que ceux qui ne sont pas bien classés continuent à envier les majors, qu'ils continuent à fondre en larmes, avoir honte.
          Le moyen le plus efficace d'extraire des gens le meilleur d'eux-mêmes à moindre frais c'est de les dresser les uns contre les autres.
         On ne cessera pas de parler les 10 premiers. De les bombarder de questions sur leurs méthodes de travail, leurs ambition, la couleur de leurs chaussettes. Mais voilà : il y a 8110 étudiants qui ne sont PAS dans les 10 premiers. Beaucoup d'entre d'entres eux devront reconstruire leurs projets et leur égo. Mais nous nous sommes battus quand même. Et, malgré tout ce qu'on aimerait nous faire croire, nous avons réussi quand même."

mercredi 22 novembre 2017

Navire abandonné



C'est un peu comme si le capitaine avait quitté le navire. C'est un peu comme si tout le monde avait abandonné, s'il n'y avait plus personne pour se battre. Souvent, avancer c'était un peu comme un bras de fer avec la vie. Elle me lançait des défis, avec des obstacles, avec toujours de nouveaux objectifs. On se chamaillait comme des enfants qui jouent. Des fois je gagnais, des fois je perdais, mais c'était de bonne guerre. J'ai l'impression qu'on a arrêté de jouer. J'ai l'impression que la vie est devenue folle, qu'elle a gagné une bataille, m'a mise à terre mais que cette fois ci elle continue de me mettre des coups, sans me laisser me relever pour une nouvelle partie différente, même si je dis "d'accord tu as gagné". Elle ne s'arrête pas. Elle ne respecte plus les règles, elle les a changé.

Je suis au sol, je prends des coups et ça devient tellement long que je ne me défends plus en me demandant quand ça va s'arrêter. Je reste là, sans rien faire, en attendant, sans but, sans espoir d'éclaircit. Je suis un peu comme un chien. Quand on joue avec lui en le laissant gagner en nous prenant le baton des main il continue de jouer pour essayer des remporter une nouvelle manche. Si on ne le laisse jamais gagner, il se lasse et ne joue plus, ne cherche pas à gagner la manche. J'ai arrêté de jouer. J'ai arrêté d'espérer.

Je ne demande que ça, avancer. Mais avancer vers où ? Vers quoi ? Je n'ai plus rien de stimulant, j'ai tout perdu et tout jeté. Il me reste ces doses d'adrénaline qui creusent un peu plus chaque jour le trou dans lequel je m'enfonce, et puis voilà. C'est tout.

C'est pas que je suis triste. C'est que rien ne me plait. J'attends. Un miracle je crois.

" Pauvre amour, compter les batailles qui t'ont fait mal
Plus d'amour, tous les équipages ont pris le large"