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samedi 8 mars 2014

Parce que oui, trop souvent, la vie ça craint.

QUIDAM, c'est le passant inconnu, le flâneur solitaire, l'individu pressé, le personnage quelconque... quiconque. C'est celui qui habite nos sociétés trop anonymes.



                Tout d'abord il y a ces trois filles dans le fond. Elles sortent entre amies. La blonde à gauche s'est faite quitter par son petit ami hier. C'est l'occasion pour elle de se changer les idées. Elle ne le sait pas encore mais son chemin recroisera celui du garçon qu'elle aime dans quelques années et ils reprendront là où ils s'en sont arrêtés et ils vivront plus heureux que jamais. Parce que oui, la vie parfois nous offre un peu de bonheur.
"Je vous souhaite d'être follement aimé"

                En face d'elle, son amie devrait profiter de la soirée car sont futur n'est pas aussi réjouissant. En effet, la pauvre ne passera pas la journée de demain à dormir pour se reposer de sa nuit festive. Elle la passera dans les transports à pleurer pour se rendre en famille à des centaines de kilomètre de cette rame de métro pour assister à l'enterrement de son père. Car elle ne le sait pas encore, mais à ces mêmes centaines de kilomètres à cette même heure où elle se trouve dans le métro, son père est en train de rentrer d'une journée fatigante de travail. Il ne fermera les yeux qu'une fraction de seconde, mais cela sera assez pour rater un virage et s'encastrer contre un arbre.  Parce que oui, parfois la vie est dure.

                Passons au jeune homme debout  sur la droite au premier plan. Il a l'air un peu rebelle comme ça à première vu avec son blouson de motard en cuir et ses mitaines effilées. Pourtant un jour, il révolutionnera le monde. Il n'est actuellement qu'un simple étudiant assidu en politique et en économie dans l'une des plus prestigieuses écoles mondiales à Paris. Mais dans quelques années il occupera un poste déterminant au niveau Européen et apportera une chose que personne n'osait imaginer. Je ne vais pas vous gâcher la surprise, je vais juste vous dire d'oser rêver en attend que ce jeune homme grandisse. J'ai dit qu'il était parisien, c'est vrai. Il n'est ici, dans le métro toulousain, que pour rendre visite à son amante. Il a prétendu un rendez-vous avec un économiste de renom pour justifier son absence auprès de sa fiancée mais tout ce qu'il veut en vérité c'est s'envoyer en l'air. Parce que oui, on peut révolutionner la face de l'humanité et être coupable d'infidélité. Parce que oui, les apparences sont parfois trompeuses. Et la vie est souvent surprenante.
"J'aurais aimé écorcher d'une voix rêche 
la surface trop lisse de nos bonnes intention."

                La  jeune fille que l'on voit de face sur la gauche. Elle fait parti de ces gens pour qui la vie est simple. Tout se goupille toujours bien pour elle. Elle a des parents qui l'aiment et subviennent amplement à ses besoins. Elle a un bon cercle d'amis et elle rencontrera dans quelques jours un garçon qui tombera immédiatement sous son charme. Elle est brillante et studieuse mais ne s'interdit aucune occasion de s'amuser avec ses amis. Elle jolie, débrouillarde et possède des capacités hors du commun dans des domaines qu'elle n'explore pas. Si elle avait conscience de ce qu'elle est capable de réaliser... Mais elle ne le sait pas. Et même avec un CV pareil, elle ne sera qu'un individu lambda de notre société et mènera une vie des plus banales qui soient. Elle se mariera avec un homme tout aussi banal qu'elle, aura trois enfants. Sa vie se résumera à métro-boulot-dodo. Cette vie monotone (si on peut qualifier une telle platitude de vie) a d'ailleurs déjà commencé, elle est déjà dans le métro. Parce que oui, la vie est bien trop souvent fade.

                Il y a cet homme derrière elle, en chariot. Il y a trois ans de cela, il se trouvait dans cette même rame de métro, mais debout à cette époque là. Il se rendait à une conférence qu'il tenait pour former des étudiants dans la branche qui le passionnait car pour lui, la transmission de connaissances et de valeurs est quelque chose d'unique et de précieux.  Nous sommes donc trois ans en arrière et ce jeune homme fraichement marié et futur papa presse le pas, trop impatient de partager son savoir encore une fois. Je l'aurais aujourd'hui en tant qu'enseignant si le conducteur de la voiture qui l'a percuté n'avait pas grillé le stop. Mais les choses se sont moins bien passées que prévu. Il a laissé bien plus que ses jambes en sortant de ce métro il y a de cela trois ans. Hormis les os de ses membres inférieurs, c'est son couple qui a éclaté. Et puis les regards de pitié des étudiants le blessait et il n'a pas tenu plus de deux mois dans l'enseignement après sa rééducation.  Il vit aujourd'hui seul avec son savoir qu'il noie régulièrement dans quelques verres de vodka bas de gamme. Parce que oui, la vie est parfois une salope injuste.
"J'aurais voulu ne pas grandir. 
J'aurais voulu ne jamais mourir."

                Ensuite il y a cette jeune fille à gauche dont on ne voit que des jambes (qui fonctionnent, elles...). Des jambes qui fonctionnent très bien même. La mère de cette jeune fille fait parti de ceux pour qui la vie a joué la carte de la salope injuste. Tout au long de sa vie, sa mère n'a du faire face qu'à des obstacles. Un père alcoolique, un ex mari ayant suivi la voix de beau-papa peu de temps après leur union, un emploie qui ne la passionne pas mais qui à l'avantage d'apporter de quoi survivre à sa fille et à elle même. Elle n'attend plus rien de la vie. Elle n'a aucun rêve, aucun projet. Aucun espoir. Mais elle a sa fille. Sa fille assise dans le métro qui rentre à la maison retrouver sa mère. Et sa fille, elle rêve pour deux. Pour vingt peut - être même. C'est une danseuse d'exception qui rêve un jour de fouler une scène en sentant quelle a le pouvoir de couper le souffle à toute une assemblé en un simple mouvement de bras. Les rêves qu'elle alimente rendent fière sa mère qui se dit d'ailleurs satisfaite d'avoir au moins réussi ça dans sa vie. Pour ses rêves et le sourire de sa mère, cette jeune fille mystérieuse ne compte par les heures passées à s'entrainer, les douleurs qui tordent son corps. Elle connait le prix à payer. Cette histoire pourrait bien se terminer. Mais elle pourrait aussi voler en éclat aussi rapidement que les jambes du monsieur en face d'elle. Parce que oui, la vie ne tient à rien.
"J'aurais voulu me casser l'âme."


                Revenons enfin à nos troisième demoiselle dans le fond de se métro plein d'histoires étranges. Elle, son avenir reste flou et incertain. Je vous laisse prendre quelques minutes pour lui en imaginer un. Je vous dis juste qu'elle mourra insatisfaite. Parce que non, la vie ne tient pas ses promesses.

                Ce qui est fou, c'est de se dire que les chemins de ces huit personnes se sont entrecroisés et ont fait quelques kilomètres ensemble ce soir là dans cette rame de métro toulousain, perdue dans l'immensité de nos vies trop banales.

                J'ai bien dit huit, par ce que oui, il y a aussi cet ancien  petit garçon, derrière sont appareil photo qui ne sait pas ce que lui réserve l'avenir. Ce petit garçon qui a grandit et murit et dont le doute grandit tout autant que l'envie et l'espoir. Un petit garçon maintenant grand dont l'esprit hurle comme une bête enfermée, comme une fuite d'eau finit par faire exploser le conduit pour pouvoir s'échapper de ce tube toujours trop droit et unidirectionnel. Ce grand garçon dont l'esprit bout. Ce grand rêveur qui voudrait se laisser exploser mais que l'on force à rester dans le conduit rectiligne de la vie alors que sa seule envie est de crier comme un fou.
"Come un pazzo gridar."